Regard : Anne Monot et Emmanuel Brunet
22 juin 2021Regard : Christine Koehler
J’ai rencontré Christine Koehler au printemps dernier, en ligne, lors des premières Bulles de Dialogue, initiative qu’elle lançait tout juste alors que le monde venait de s’arrêter. Je l’avais croisée quelques mois plus tôt, lors d’une initiation aux Liberating Structures.
Pour moi, Christine, c’était une experte de l’Intelligence Collective et du Forum Ouvert, je la suivais avec attention et beaucoup d’admiration.
Quelques bulles et mois plus tard, nous voilà côte à côte, à animer des Bulles de Dialogues, avec l’envie de remettre du dialogue et de la parole vraie dans les organisations.
Alors, quand j’ai eu l’idée de ces portraits pour ce blog, il m’a paru évident que Christine serait la première d’une longue série. Voir plus large, se réinventer, ça la connaît !
Dans ce monde chambardé par un virus ravageur, il est possible de faire de vraies rencontres. La preuve.
Christine, qu’aurais-tu envie de nous dire sur toi ?
Avec ma deuxième casquette, je travaille pour des entreprises et des organisations sur les problématiques de changement. Comment des salariés vont travailler collectivement pour résoudre des problèmes complexes, avoir une vision partagée, s’inventer un futur ? Je suis fascinée par les dispositifs qui permettent de donner la parole aux gens pour qu’ils trouvent ensemble comment avancer.
Qu’est ce qui est important pour toi dans ton activité professionnelle ?
Dans mon métier de thérapeute, ce qui est intéressant, c’est d’avoir une vision de l’être humain dans toute sa complexité. Qui il est à l’intérieur, sachant qu’une grande partie est inaccessible, mais aussi vis à vis de l’extérieur, avec sa famille, son contexte social, à un moment donné. Comment réussir à s’inscrire dans le mouvement et arriver à avoir une vie qui nous ressemble ? C’est chouette d‘accompagner cela.
Quand je travaille avec des collectifs, ce qui me captive, c’est comment réussir à travailler ensemble, sachant qu’on est tous différents. C’est difficile d’appréhender l’altérité de l’autre, surtout dans les grands groupes. La plupart du temps on s’écoute mal, on croit se comprendre et on ne comprend pas, on a envie de faire des choses ensemble mais on n’y arrive pas toujours. Comment on fait avec tout cela pour améliorer le monde ?
Comment en es-tu arrivée à exercer ces deux métiers ?
Je suis économiste de formation. Jeune, j’étais passionnée par l’international, j’ai fait un DESS d’économie internationale. Un jour, j’ai déposé sans trop y croire un dossier pour continuer mes études en Chine, j’ai été acceptée. A cette époque, c’était le début de l’ouverture du pays, un plongeon dans un autre monde, je n’y comprenais rien. C’était extrêmement intéressant d’un point de vue humain, j'essayais de capter comment fonctionnent des gens si différents de moi.
Après, j’ai été acheteuse dans le textile pendant quelques années. Quand j’ai eu mes enfants, c’est devenu compliqué de voyager, et à ma grande surprise, j’ai préféré m’occuper d’eux.
J’ai été bénévole dans une ONG américaine autour de l'allaitement maternel. J’ai animé des groupes de parole de parents, cela m’a ouvert à un univers différent. Je venais des achats, un monde de négociations et de rapports de force pour réussir à avoir ce qu’on veut. Alors, découvrir comment, grâce à la parole, on pouvait être en capacité de s’écouter, se soutenir, s’aider, cela m’a marquée, c’était très riche.
J’ai pu participer à la réflexion sur le futur de cette organisation ; elle avait été créée soixante-dix ans auparavant, alors que la transmission de mère à mère avait été perdue du fait de la médecine scientifique. Comment retrouver cette transmission à parité était alors sa raison d’être.
J’ai beaucoup travaillé sur ce peer-to-peer, et c’est là que j’ai découvert les outils participatifs.
Quand mes enfants ont été plus grands, j’ai voulu me former. Mais en France, c‘était trop tôt. J’ai cherché une porte, une voie pour aller vers ça, et ne trouvant rien, je me suis formée au coaching. Et c’est par cette voie que je suis devenue psychanalyste.
Ce qui est commun à mes deux métiers, c’est la vision de l’homme à l’intérieur. Le fait de savoir pour l’autre est une illusion totale.
Qu’est-ce qui fait ta spécificité dans ton domaine ?
Réinventer ses pratiques, son métier, cela te parle ?
A mon sens, on se réinvente parce qu’on est mal, quand il y a quelque chose de fortement ébranlé dans son propre monde. Soit que le monde où on évolue ne nous convient plus, soit que notre vision du monde ne correspond pas à la réalité. Alors on se réinvente, avec la volonté de trouver une autre voie pour soi.
Où trouves-tu l’inspiration, les idées ?
Qu’est-ce qui t’inspire et qui te guide dans ton activité d’aujourd’hui ?
Un conseil à partager avec quelqu’un qui souhaiterait changer ?
As-tu une recette du succès ?
Moi je m’émerveille à faire ce que je fais, cela m’apporte beaucoup de joie. Certes il y a des trucs pas drôles, mais c’est partout pareil.
Quelle est la part des autres dans ton quotidien ?
Voilà un autre conseil : si tu veux réussir ce que tu veux faire, rejoins un groupe ou travaille avec d’autres. Partager, coopérer, se filer des tuyaux, il y a tant de choses à faire ensemble.
Je suis sur Clubhouse depuis peu, je vais dans la room de Gratitude tous les matins, on se dit trois mercis, c’est chouette, il y a quelque chose qui se crée à se rencontrer chaque jour, ça porte.
J’ai pris l’habitude avec une amie de longue date de faire un bilan pro à la fin de chaque semaine. Pouvoir partager ses joies et ses misères, cela fait du bien et permet d’avancer.
Quels sont tes projets actuels ?
Il y a mille autres choses qui me titillent, j’ai beaucoup d’idées. Je laisse reposer, à ce stade, ce ne sont pas encore des projets.
As-tu un grand rêve ?
Connais-tu une personne inspirante que je pourrais interroger pour ma prochaine interview ?
Pour en savoir plus sur les activités et les publications de Christine www.christine-koehler.fr
Photo et texte : Sophie Lavaur